En Islande, tout le monde le sait, il y a des volcans (et c’est rien de le dire !). Ça vous tente d’en savoir un peu plus sur les plus grosses éruptions volcaniques que l’île ait connues et aussi pourquoi le volcanisme y est si actif et puissant, comme nulle part ailleurs dans le monde.
Pourquoi il y a des volcans actifs en Islande?
En Islande il se passe 2 phénomènes distincts qui vont entraîner du volcanisme : le phénomène d’accrétion et le phénomène de point chaud. Ces 2 phénomènes sont très différents, les effets vont donc s’ajouter, ce qui fait de l’Islande, le seul endroit au monde où l’on peut observer cette combinaison de phénomènes à l’air libre.
L’accrétion, c’est la création de couche terrestre. Cela se produit aux niveaux des rifts aux dorsales océaniques, aux jonctions de deux plaques tectoniques qui s’éloignent. Ainsi, au milieu de l’atlantique, il y a un rift – l’endroit où deux plaques tectoniques se séparent – : la plaque américaine et la plaque eurasienne s’éloignent d’environ 2,5 cm par an. Cette éloignement a entraîné la formation de l’océan atlantique. L’Islande est située directement sur ce rift, qui coupe l’île en deux. D’habitude le volcanisme d’accrétion est invisible car il se passe sous l’océan et l’Islande est le seul endroit au monde ou un rift est aussi bien visible hors de l’eau.
Le deuxième phénomène est un phénomène de point chaud. Un point chaud est une remontée de magma qui va faire fondre une partie de la croûte terrestre, de telle sorte qu’à cet endroit, le magma est beaucoup plus proche de la surface de la terre. Par conséquent, il est beaucoup plus facile pour celui-ci de suivre des failles et de ressortir et on a un volcanisme de point chaud. Et à certains endroits en Islande, le magma n’est qu’à 2 kms sous terre…!
Ces deux phénomènes distincts entraînent donc une forte activité volcanique sur la zone, unique dans le monde. D’ailleurs c’est la combinaison de ces deux volcanismes qui a permis à l’Islande d’émerger par dessus la mer. D’ailleurs l’Islande est la deuxième plus grande province ignée du monde. Une province ignée est une très vaste région dont le sol qui sert de support est constitué de roche magmatique. La présence de cette roche est la conséquence d’une expulsion colossale de flots de basalte par des éruptions volcaniques qui vont recouvrir d’une couche épaisse et plane de très grands secteurs, jusqu’à des parties entières d’un continent. Le territoire de l’Islande est totalement inclus dans une province ignée. Pour information, la première province ignée du monde est le plateau de Sibérie qui s’est formé il y a 251 millions d’année, pendant 1 millions d’année. Son éruption a entraîné l’extinction de 90% des espèces de l’époque. L’Islande vient juste après en taille… vous voyez qu’on ne rigole pas avec les volcans islandais !
Pour vous montrer à quel point ce cas particulier est unique au monde, sur la période de l’holocène, c’est à dire les 10 000 dernières années de notre ères, les quatre plus grosses éruptions du monde ont eu lieu.. en Islande !!!
Les 3 plus grosses éruptions islandaises documentées
Sur les 4 plus grosses éruptions de notre ère, le Bárðarbunga figure en top position et en 4ème position, rien que ça pour un seul volcan ! Et sa dernière éruption s’est finie début 2015 en atteignant la quatrième place. On va prendre donc un peu de temps pour parler de ces quatre éruptions majeures.
N.B. : Depuis quelques semaines, le Bárðarbunga recommence à faire parler de lui. Plusieurs séismes avec pour épicentre sa caldeira on été recensés, ce qui indique que du magma est en train de remonter dans sa chambre magmatique. Et le 26 décembre dernier, à 5h et 7h du matin, des séismes de magnitudes 4 ont été observés, ce qui montre clairement qu’une éruption pourrait arriver prochainement d’après les services islandais… enfin… une chambre magmatique pleine ne veut pas dire éruption imminente, mais une possibilité, il faut relativiser.
Bárðarbunga – l’éruption de la Þjórsá | TOP 1
Représentation d’une éruption volcanique dévastatrice à la préhistoire
C’est donc l’éruption volcanique terrestre la plus importante de l’holocène. Elle a eu lieu il y a 8 500 ans environ, au Bardarbunga, qui est au Nord-Ouest du Vatnajokull, partiellement sous le glacier. La taille de ce volcan est impressionnante : il fait 200 kms de long sur 18 kms de large et culmine à plus de 2000 mètres d’altitudes, recouvert par une épaisseur de glace estimée de 800 mètres en son sommet. La quantité de lave produite lors de l’éruption dite de la Þjórsá est phénoménale : plus de 26 km3 de lave sont recrachés pour une surface de coulée de plus de 970 km2. La coulée a traversé tout le sud de l’Islande en suivant le Vatnajokull pour finalement se déverser dans l’océan atlantique. Cette coulée est encore visible a plus de 100 mètres sous l’océan atlantique et sa longueur totale est de plus de 250 kms. Aujourd’hui, la coulée est visible seulement à plus de 70 kms de son lieu supposé de jaillissement car elle a été depuis recouverte par d’autres coulées plus récentes. La ville de Selfoss, une assez grande commune islandaise, est par exemple construite sur cette coulée de lave. Aujourd’hui les rivières Þjórsá et Hvita suivent la coulée de part et d’autres. Comme cette éruption est trop ancienne, on a que très peu d’informations sur ses conséquences en l’Europe et dans le reste du monde et ses dégagements de soufre, mais il est évident que cette éruption a eu des conséquences dévastatrice pour la faune européenne.
Katla – Éruption de l’Eldgjá | TOP 2
Fissure Eldgjá (volcan Katla) – Islande
Eldgjá signifie en français : « Gorge de feu ». On comprend bien pourquoi, vu qu’il s’agit de la deuxième plus importante éruption de l’holocène terrestre. Eldgjá est une zone qui appartient au volcan ou système éruptif du Katla, voisin du très célèbre Ejafjallajokull (le volcan qui a semé la pagaille dans les transports aériens européens en plein été 2010). L’Eldgjá est constitué d’une série de cratères allongés et de gorges s’étirant au total sur soixante-quinze kilomètres de longueur, entre le Mýrdalsjökull (glacier surplombant le Katla) au sud-ouest et le Vatnajökull. C’est une gorge éruptive, d’une profondeur maximum de 270 mètres et allant parfois jusqu’à 600 mètres de largeur. C’est la gorge éruptive la plus grande du monde. La partie la plus au sud-ouest est sous le Mýrdalsjökull, et le tiers nord-est de la fissure a été englouti sous la lave issue de l’éruption du Laki, dont nous parlerons plus bas.
Fissure Eldgjá (volcan Katla) – Islande
L’éruption de l’Eldgjá a commencé en 934 et a duré ensuite 6 ans, rien que ça ! 19,5 km3 de lave se sont épanchés sur une superficie de 781 km2.
Cette éruption étant plus récente, on sait aussi qu’elle a dégagé 219 millions de tonnes de dioxyde de soufre et 1,5 km3 de téphras (cendres volcaniques).
Cependant l’Islande n’était pas encore habitée à cette époque.
Grimsvotn / Laki – Eruption des Lakagígar | TOP 3
Cette éruption est l’éruption volcanique la plus célèbre d’Islande (bon, ok, après celle de l’Ejyafjalajokull en 2010 !). Elle est célèbre parce qu’elle a eu des retombées catastrophiques en Islande, mais aussi pour la vie européenne. Pourtant, ce n’est « que » la 3ème plus grosse éruption de l’holocène terrestre… donc on vous laisse imaginer les conséquences des 2 premières, bien qu’elles ne soient pas très connues.
Cratères du Laki, les Lakagígar – Islande
Le 8 juin 1783, une fissure de 27 kms de longueur qui voit naître plus de 100 cratères, les Lakagígar – « les cratères du Laki » -, s’ouvre dans le volcan Laki, un voisin du Katla, de manière explosive d’abord. Puis l’éruption devient moins explosive et entraîne des niveaux d’effusion de lave record. Les 8 mois d’éruption, de coulée de lave et d’émission de gaz sulfurique provoquèrent les plus importantes perturbations climatiques et sociales du dernier millénaire. L’éruption, aussi connue sous le nom de Skaftáreldar (« feux de la Skaftá« ), produit environ 15 km3 de lave basaltique sous la forme de coulées d’une soixantaine de kilomètres de longueur qui recouvrent une surface de 565 km2. On est donc effectivement en deçà des deux éruptions précédentes. On estime aussi à plus de 1 km3 les téphras éjecté dans l’atmosphère, ce qui la place là encore en dessous de celle de l’Eldgjá. L’éruption se poursuit jusqu’au 7 février 1784 mais la majorité de la lave fut éjectée dans les cinq premiers mois. 8 millions de tonnes de fluor et 120 millions de tonnes de dioxyde de soufre sont rejetées dans l’atmosphère. Ce nuage de gaz volcanique, connu sous le nom de brouillard du Laki, frappa l’Islande puis l’Europe.
Pour l’Islande, les conséquences furent catastrophiques. Les cendres contaminèrent au fluor le bétail et il s’en suivit la plus grande catastrophe naturelle et la plus grande famine qu’ait connu le pays : la Móðuharðindin, qui engendra un taux de mortalité de 30% sur l’île. Cette éruption est donc gravée dans la mémoire des islandais, bien que le Laki soit un des plus bel endroit d’Islande.
Concernant l’Europe, les conséquences furent catastrophiques également. L’émission de dioxyde de soufre coïncidant avec des conditions climatiques inhabituelles engendra un épais brouillard sulfuré qui se répandit à travers l’Europe occidentale, provoquant des milliers de morts en 1783 et durant l’hiver 1784. Ainsi, lors du passage du « brouillard du Laki« , il y eut 23 000 morts en Grande Bretagne en moins de 2 mois à cause du dioxyde de soufre. L’été de 1783 fut un des plus chauds enregistrés, d’autant qu’une zone inhabituelle de haute pression s’était installée au-dessus de l’Islande, dirigeant les vents vers le sud-est. Le nuage empoisonné dériva vers Bergen en Norvège puis descendit sur Prague le 17 juin, Berlin le 18 juin, Paris le 20 juin, Le Havre le 22 juin et le Royaume-Uni le 23 juin. Le brouillard était si épais que les bateaux restèrent au port et que le soleil fut décrit comme « couleur sang ». Avec le réchauffement, il provoqua d’importantes chutes de grêle qui tuèrent une bonne partie du bétail européen. Cet été meurtrier furent suivi d’un hiver volcanique au cours duquel on compte 8 000 anglais morts de froid. En France, on enregistre -19°C à Pari et la Seine est totalement gelée le 1er février 1784 ! Puis lorsque intervient la fonte des neiges, les rivières sortent de leur lit à travers tout le continent. De Caen à Prague, les inondations sont catastrophiques. À Paris, elles durent un mois et demi. Partout, les autorités doivent intervenir pour secourir les victimes. Entre hivers rigoureux, étés de sécheresse et grêle et baisse durable des températures, les moissons suivantes furent très faibles, engendrant épidémies et famines dans toute l’Europe et particulièrement en France. Vous vous rappelez vos cours d’histoire et les causes de la Révolution française, famines et épidémies ? Ben voilà… vous savez tout maintenant !
Bulletin relatant les mauvaises conditions météorologiques à Boitron en 1783
Concernant l’Amérique du nord, ils ont constaté un hiver exceptionnellement froid : le Mississippi gela a la Nouvelle Orléans, on observa des chutes de neige et même des tempêtes de neiges dans les états du sud des états Unis…
Pour le reste du monde, on observa une modification des moussons en Afrique, une baisse du niveau du Nil, une baisse des pluies dans le Sahel, etc.
Timbre commémoratif des 200 ans de l’éruption du Laki – Islande
Pour cette éruption, ce sont donc les gaz de dioxyde de souffre qui ont semé la mort en Europe. En plus de cela, le Grimsvotn est lui aussi entré en éruption au même moment – qui pour rappel appartient au lui aussi au système volcanique du Grimsvotn -, éruption qui a elle duré plus de 2 ans, et qui a donc sûrement eu un effet additionnel difficile à mesurer. Imaginez l’instabilité de la zone : un volcan qui entre en éruption en son cratère et en même temps à plus de 50km de là…
On en sait beaucoup plus sur cette éruption pour laquelle les données ne manquent pas, alors qu’elle est plus faible que les deux précédentes, tout simplement parce que les civilisations européennes et islandaises étaient beaucoup plus organisée que lors des deux premières.
Bárðarbunga – l’érutpion de l’Holuhraun | TOP 4
Et voilà, retour de notre cher Bárðarbunga avec sa dernière éruption de 2014-2015 se classant TOP 4 des émissions de laves de l’holocène. Il faut déjà voir que c’est très curieux, personne n’en a entendu parler, pourtant cette éruption était vraiment phénoménale, alors qu’en 2010, l’Ejafjalajokull a fait parler de lui dans le monde entier avec une toute petite éruption à comparer. C’est essentiellement dû au fait que l’éruption de ce dernier fut explosive et projeta des tonnes de poussières et de cendres, qui prirent la direction de l’Europe grâce à des vents de direction SE, paralysant le trafic aérien pendant plusieurs jours. L’éruption du Bárðarbunga elle, bien que beaucoup plus grande, ne produisit que très peu de cendres et ne les envoya pas haut dans l’atmosphère… et elle est passée presque totalement inaperçue pour le reste de l’Europe.
L’éruption commença le 29 août 2014 par une fissure dans l’Holurhaun qui veut dire en français « désert de lave », au lieu de la caldeira du volcan. Ouf ! Car une éruption de la caldeira aurait entraîné une éruption de type explosif à cause du contact magma/glace.
Rapidement, de petits cônes de scories n’édifient autour des fontaines de lave, le long de la fissure. Le principal d’entre eux est appelé Baugur. La coulée de lave qui se forme à partir de ces fontaines se dirige vers le nord-est en longeant la rive gauche de la Jökulsá á Fjöllum. Continuant sa progression, elle se jette dans le lit du fleuve à partir du 7 septembre et force le cours d’eau à réduire sa largeur et à se déplacer vers l’est. Entre le 30 décembre 2014 et le 15 Janvier 2015, le flot de lave est estimé à 100 m3 par seconde en moyenne. Au plus fort on atteignait les 1 000 m3 par seconde, loin des débits du Laki en 1783, mais tout de même impressionnant si on le compare au débit moyen de l’Etna, autre volcan européen bien plus connu, qui crache en moyenne 1 à 2 m3 par seconde. L’éruption s’est achevée le 27 février 2015 et voici son bilan : une coulée de 88 km2 et de 1.5 km3 avec un dégazage de plus de 12 millions de tonnes de dioxyde de soufre. Ce qui en fait la quatrième éruption terrestre la plus importante de ces 10 000 dernières années. Mais si on la compare aux trois autres du dessus, elle est quand même vraiment un cran en dessous, et bien heureusement ! À l’heure actuelle, la coulée continue de dégazer du soufre, et il y a eu pendant l’éruption plusieurs alertes au dioxyde de soufre dans différentes villes islandaises et… dans certaines villes européennes comme à Lille par exemple. Il faut d’ailleurs faire attention si vous allez visiter la coulée de lave : on a noté plusieurs intoxications grave au dioxyde de soufre de touristes venus voir la coulée sans se méfier…
Voilà on a fini notre petit topo des dernières plus grosses éruptions « récentes » du monde, qui sont toutes islandaises !! Affaire à suivre donc pour le Bárðarbunga… qu’est il en train de nous préparer ?? Personne ne sait, mais d’après les géologues, moins d’un an après la fin de la précédente, ça se prépare 🙂 Mais bon si ça se trouve on peut encore attendre longtemps comme pour l’Hekla et le Katla ! Seuls ces trois-là savent ce qu’ils sont en train de nous préparer. RDV dans notre blog Islande en fonction des évènements !
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