Bárðarbunga : présentation
Le Bardarbunga ou Bárðarbunga en islandais signifie littéralement en français « bosse de Bárður » (prénom islandais commun). Il se prononce en islandais : baurtharbounga, avec le « au » allemand (ao) et le « th » anglais, le « ou » français. C’est le deuxième sommet le plus élevé d’Islande et depuis le dernier âge glaciaire, l’holocène, c’est le volcan islandais le plus actif et le plus impressionnant.
Sur cette période de l’holocène, c’est à dire les 10000 – 12000 dernières années, ce monstre est responsable de 2 des 4 plus grosses éruptions de lave mondiales ! Il arrive en pôle position avec l’éruption dite de la Þjórsá et en quatrième position avec celle de l’Holuhraun qui s’est finie début 2015. Et quand même 2 des 4 plus grosses éruptions du monde depuis le dernier âge de glace, c’est énorme… et c’est au Bárðarbunga que ça se passe !
Le Bardarbunga est aussi connu pour être le seul volcan islandais à avoir connu une explosion de VEI 6. Donc non seulement il détient les record du monde en quantité de lave, mais aussi le record islandais d’explosivité. Pour information, l’éruption du Mont Saint Helens est classée VEI 5, et il n’y a eu que 46 éruptions VEI 6 historiques, dont celle du Krakatoa en 1883 ; Pinatubo en 1991 et Novarupta en 1912.
Il est enfin redouté pour ses Jokulhaups. Pour rappel un jokulhaups, signifie littéralement en français « glacier qui court » et correspond à la fonte extrêmement brutale d’un glacier, provoquée par la chaleur dégagée par l’éruption du volcan qui se trouve en dessous. Le « torrent » qui se dégage du glacier est alors énorme et emporte tout sur son passage : animaux, hommes, maisons, rocher de plus de 50T, ponts, etc. C’est d’ailleurs un grand classique de la plupart des volcans islandais car ils sont recouverts de glace à leurs sommets.
Éruption sous glaciaire de Gjalp du bardarbunga en 1996
Géographie et géologie du Bardarbunga
La caldeira du volcan est situé sous 700 à 800 mètres de glace sous le Vatnajökull (plus grand glacier d’Europe, de la taille de la corse), au Nord-Ouest de celui-ci. Certains pans, ou côtés de la caldeira, dépassent du glacier et le surplombent avec un pic à plus de 500 mètres au-dessus de la glace, soit environ 2010m d’altitude. Le volcan principal est donc sous-glaciaire mais il a des failles qui ressortent du Vatnajökull, et peut donc potentiellement rentrer en éruption ailleurs que dans son cratère principal.
Ce volcan a la particularité d’être situé directement au-dessus du point chaud sous l’Islande, et il est aussi situé dans le rift qui traverse de part en part le Vatnajökull… Vous comprenez donc pourquoi il est extrêmement actif ! Le système volcanique du Bardarbunga s’étend sur 190 km de long et 28 km de large, c’est un vrai « monstre » de part sa taille bien qu’il soit un volcan de type rouge à la base (vous comprendrez le « à la base » plus loin).
Les éruptions du Bárðarbunga, comment ça marche ?
Le Bárðarbunga a deux types d’éruptions. Elles sont soit sous-glaciaire avec un indice d’explosivité généralement de 4 à 6, soit effusive avec un indice d’explosivité faible.
Les éruptions sous-glaciaires : 90%
Ce sont les plus fréquentes. Lorsque le magma remonte de la chambre magmatique vers la surface de la caldeira, il exerce une grosse pression sur les flancs du volcan et toutes ses fissures. Si ces fissures tiennent bon, le magma va remonter jusqu’à une dizaine de mètres de la surface de la caldeira où il va exploser à cause de son refroidissement trop brutal lié à la glace. On aura donc un indice d’explosivité fort avec une explosion puissante et une importante production de cendres expulsées dans un gros panache volcanique (vous savez celui qui cloue les avions au sol, comme l’Eyafjallajökull). Il peut s’accompagner parfois de nuées ardentes et tout le temps d’un jökulhaup dévastateur.
Les éruptions fissurales effusives : 10%
Comme les flancs du volcan sont remplis de fissures, parfois le magma ne va pas ressortir par le cratère principal mais par des fissures adjacentes qui ne sont pas recouvertes par le Vatnajökull, car le Bárðarbunga est vraiment proche de son extrémité au NO. Dans ce cas là, on va assister à une éruption de type effusive, avec beaucoup de lave et des grosses coulée, mais avec une production de cendre très faible et pas d’explosion.
Les éruptions notables du Bardarbunga
Éruption de la Þjórsá
Celle ci a eu lieu vers -8500 ans environ, soit au début de l’holocène, dans une fissure à l’Ouest hors de la caldeira. Elle est tout simplement la plus importante éruption que la Terre ait connue durant notre aire interglaciaire (l’holocène). Cette éruption n’est pas très connue par les géologues car une bonne partie de la coulée a été recouverte par des coulées plus récentes, mais ils l’estiment longue de plus de 270 kms, du volcan jusqu’à l’océan atlantique au Sud. La coulée de lave devait faire environ 26 km3, pour une superficie de 750 km2 et se prolonger aussi sur plus d’une centaine de mètres sous l’océan atlantique. Les conséquences de cette éruption ne sont pas connues, mais il semble évident qu’elle ai entraîné un hiver volcanique dans l’hémisphère nord, voir mondial pendant plusieurs années… En effet, l’éruption du Laki – qui n’a rejeté « que » 15 km3 de lave en comparaison -, a entraîné l’un des hivers les plus rigoureux de mémoire d’Homme, des dizaines de milliers de morts de faims, de froid, et du dioxyde de soufre en Europe… Alors, on vous laisse imaginer la conséquence pour la faune et la flore européenne et nord américaine d’une éruption deux fois plus intenses…
Aujourd’hui la Þjórsá est un endroit touristique bien que difficile d’accès (par piste), c’est un endroit magnifique et la coulée de lave de cette éruption est cernée d’un côté par la rivière Þjórsá justement, et de l’autre par la rivière Hvità.
D’autres éruptions entre temps…
En 870, il y a eu une éruption sous glaciaire, avec un indice d’explosivité de 4, et même des nuées ardentes, ce qui est plutôt rare car il n’y a généralement qu’une grosse explosion au début et un panache volcanique qui est projeté dans le ciel sans dévaler les pentes du volcan. Il faut noter qu’une nuée ardente dans le secteur n’est pas problématique car il n’y a rien du tout autour.
En 1159, il se produit là encore une éruption sous glaciaire, mais peu documentée. Elle a toute fois été observée par les Vikings de l’époque.
L’éruption de 1477 est l’éruption avec l’indice d’explosivité le plus important que le volcan aurait connu. Ce serait même, jusqu’à ce jour, l’éruption islandaise qui aurait été la plus explosive : VEI 6… Elle fut largement observée en Islande, non sans crainte. Située hors du glacier, elle a formé les Veiðivötn – lacs de la pêche -. Les lacs se sont créés lors d’explosion phréato-magmatique. Ces explosions se produisent lorsque le magma entre en contact avec de grande quantité d’eau ou de glace. Cela arrive évidemment très souvent en Islande, avec toute la glace et l’eau qui s’y trouvent et les innombrables fissures liées aux mouvements du rift. Mais lors de cette éruption fissurale, il y a eu plus d’une cinquantaine d’explosions de ce type dans cette région. Bien qu’ayant eu lieu dans un endroit désert, elle a tout de même occasionné des dégâts, a produit environ 10 km3 de téphras et a touché 50% du pays. Des téphras de cette éruption ont été retrouvé dans le nord de l’Islande, en Irlande et même en Suède !
Le Bardarbunga a aussi connu une éruption en 1910 du 18 juin à octobre, mais on ne sait pas grand chose dessus, si ce n’est qu’elle est considérée comme une petite éruption de la part des volcanologues islandais.
L’éruption de l’Holuhraun, du 29 Aout 2014 au 27 Février 2015
Cette éruption dite de l’holuhraun – désert de lave trouée – est bien entendu très connue par les volcanologues islandais car elle a pu être observée et analysée parfaitement. C’est également une éruption « monstres » du Bardarbunga puisqu’elle se classe quatrième mondiale depuis le début de l’holocène, derrière la Þjórsá, celle de l’Eldgjà du Katla et celle bien connue aussi en europe du Laki / Grimsvötn.
Depuis 2007, l’activité sismique du Bárðarbunga n’avait fait que croitre, malgré un léger ralentissement en 2011 pendant l’éruption du Grimsvötn. Elle avait ensuite repris de plus belle, pour finalement s’accentuer encore plus.
En mai 2014 des trémors – tremblement de terre avec gonflement du sol – ont été détecté ce qui indique que le magma est en train de se frayer un chemin. Mais le magma était encore à 20-30 kms de profondeur.
Le 16 août, un tremblement de terre M4 est détecté, le plus gros depuis 1996 ! Puis tout s’accélère : il s’en suit plus de 2500 séismes dans la foulée qui montrent que le magma est en train de se frayer un chemin et de forcer pour trouver la surface !
Ensemble des séïsmes au Bárðarbunga sur les 290 jours précédant le 16 août 2014, soit 2 semaines avant l’éruption, montrant la progression du magma dans les fissures.
Le 18 août, les géologues estiment que le magma n’est plus qu’à 10 ou 5 kms de la surface.
Le 21 août, les géologues évaluent un dike – intrusion de magma – de 25km de long sous une langue du Vatnajökull, toujours à 5 ou 10 kms de profondeur. Le soir, un gros séisme de M4,7 est enregistré.
Entre le 23 et le 25, deux séismes de M5 et M5,3 sont enregistrés, les plus gros depuis l’éruption Gjàlp du volcan de 1996. Ceux-ci se produisent à faible profondeur, ce qui montre le magma arrive à remonter facilement. Par mesure de précaution, l’alerte rouge est déclenchée pour l’aviation islandaise, puis passée à orange un peu plus tard. Le dike est désormais considéré comme long de 35 km et il ressort de l’autre côté du Vatnajökull. Le volume de magma est quant à lui jaugé aux alentours des 300 millions de m3. Enfin le 27, le dike est apprécié à 40km de longueur…
Le 29 août finalement, le magma atteint l’air libre par une fissure qui s’ouvre dans le Holuhraun, à 9km du Vatnajokull. Au début, l’acivité est plutôt modérée avec des jets de lave à 10 mètres de hauteur environ. La première fissure fait 1,5 kilomètres de long pour 700 mètres de large. D’autres fissures apparaissent ensuite progressivement : ainsi mi-septembre, une autre fissure éruptive de 2 kilomètres de longs sur 300 mètres de large apparait. Le nuage de gaz toxique de la coulée atteint 4 kilomètres de hauteur et la caldeira s’est affaissée de plus de 20 mètres ! Des petits cônes de scories s’édifient autour des fontaines de lave, le long de la fissure ; le principal d’entre eux est appelé Baugur. La coulée de lave qui se forme à partir de ces fontaines se dirige vers le nord-est en longeant la rive gauche de la Jökulsá á Fjöllum. Continuant sa progression, elle se jette dans le lit du fleuve à partir du 7 septembre et force le cours d’eau à réduire sa largeur et à se déplacer vers l’Est. De nombreux petits panaches de vapeur d’eau nés de la vaporisation de l’eau de la Jökulsá á Fjöllum au contact de la lave s’élèvent au-dessus du front de la coulée. L’activité sismique reste intense.
– Vidéo de Jiri VonDrak –
Il y a plusieurs alertes au dioxyde de soufre dans des villages de l’Est islandais, puis l’Europe est également touchée, à Lille et Paris par exemple. Ces alertes au SO2 ont commencé dès septembre en Islande et en France. Les habitants des villages de l’Est islandais doivent même se calfeutrer chez eux en attendant que l’air soit meilleur dehors pour sortir.
Début octobre 2014, la coulée fait déjà 50km2, et des séismes M5 sont toujours enregistrés, le flot de lave ne faiblit pas, le nuage de gaz toxique est redescendu à 2 km de haut. Fin octobre, on est à 65km2 recouverts.
En novembre 2014, on dépasse le km3 de lave recrachée et 72km2 de coulée, ce qui fait de cette éruption du Bárðarbunga la quatrième éruption de lave la plus importante de l’holocène. Notre cher monstre volcanique culmine donc à la première place et la quatrième de ce classement ! Et ce n’est pas fini…
En décembre 2014, on est à 77 km2 recouverts, l’activité volcanique et sismique est toujours forte.
En janvier 2015, 84 km2 sont recouverts, mais l’activité commence à faiblir. Celle-ci se termine finalement le 27 février avec plus de 85 km2 couverts de lave et 1,4 km3 de lave émise. La coulée fait environ 14 mètres d’épaisseur et peut attendre parfois 40 mètres ! Le plus haut cratère nouvellement formé dépasse les 75 mètres de hauteur. La caldeira – qui fait quand même 14 kms de diamètre ! – s’est affaissée de plus de 60 mètres, ce qui donne une idée du volume de lave qui est parti dans la fissure…
Coulée de l’éruption Holuhraun du volcan Bárðarbunga vue par satellite – tache noire au centre de l’île -.
Et aujourd’hui?
Étonnamment, l’activité sismique a recommencé à s’accroître dans le Bardarbunga fin 2015. Le 26 Décembre par exemple, 2 séisme de plus de M3 sont enregistrés dans la caldeira du volcan. La chambre magmatique est estimée comme étant de nouveau pleine par les volcanologues.. Elle n’aura pas mis beaucoup de temps à se recharger !
Une éruption peut donc arriver, mais on ne sait pas quand. Début 2016, chaque semaine enregistre plusieurs M3 dans la caldeira. En avril 2016, en plein scandale des « Panama Papers » les programmes ont été interrompus pour signaler une vague de séisme sans précédent depuis la dernière éruption : plusieurs M3 à la suite et un M4,7… Ces séismes ont été suivi dans la foulée de plus d’une dizaine de petits séismes de plus en plus proches du sommet de la caldeira, ce qui semble dire d’après les spécialistes islandais que le magma est en train de remonter beaucoup plus vite que prévu. Ils ont même annoncé que le prochain volcan en éruption en Islande serait… le Bardarbunga !
Depuis, plusieurs M3 sont toujours enregistrés chaque semaine, on vous en dira plus dès que nous aurons des nouvelles. Une éruption imminente n’est pas à écarter selon les experts…
– Source : Icelandic Met Office –
Le Bardarbunga : quel risque pour mon voyage en Islande?
En premier lieu, en cas d’éruption sous-glaciaire et en fonction des vents, cela peut faire un Eyjafjallajökull bis en bien plus puissant… et donc vous pouvez soit rester bloqué en Europe si vous partez, soit vous pouvez aussi être bloqué en Islande – puisque c’est bien d’un voyage ne Islande dont on parle -… Avouez que ce cas de figure est plus sympa !
En deuxième lieu, en cas d’éruption ou de gros risques, les autorités coupent certaines routes et l’accès à Deittifoss par exemple est impossible. Ainsi en 2014, l’accès à cette partie de l’île avait été bloqué 15 jours avant l’éruption. En effet, le risque de Jökulhaups étant très élevé, les autorités coupent les routes pour que les gens ne se mettent pas en danger. Vous risquez donc de ne pas voir certains sites, et c’est bien dommage car cette partie de l’Islande est magnifique. Mais comme il y a beaucoup à faire en Islande, vous trouverez toujours quelque chose d’autre très sympa à visiter à la place !
En troisième lieu, si vous décidez d’aller visiter la coulée de lave, il faut absolument le faire avec un guide car les coulées sont très jeunes et dégazent énormément ! Il y a eu plusieurs intoxications graves aux gazs volcaniques ces deux dernières année et il faut donc prendre des précautions : un guide islandais habitué de ces procédures est de rigueur si vous allez vous y balader… ce qui entre-nous est une très belle expérience !
Enfin, soyez vigilants : renseignez-vous toujours sur l’état des volcans islandais si vous planifiez d’aller vous promener près d’eux ou de les escalader, ce n’est jamais sans risque ! Encore plus quand on parle du Bárðarbunga, du Katla ou de l’Hekla aussi, à tout hasard…
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