Les minis Puffins avaient choisi de regarder Mary Poppins l’autre jour. Alors qu’un doux parfum d’enfance avait prit place chez nous et que je mettais à profit ce temps calme pour m’occuper de tout un tas de choses fort peu passionnantes mais tout à fait indispensables – oui, en gros, je rangeais -, le passage de la très célèbre chanson « Supercalifragilisticexpialidocious » a capté mon attention. Évidemment, comme tous ceux qui l’ont vu avant eux – mes sœurs et moi les premières -, les minis Puffins s’amusaient à tenter de prononcer ce célèbre mot imprononçable. Ça les faisait rire… et moi aussi. Et puis j’ai compris : en fait, c’est un petit peu l’histoire de notre vie depuis bientôt deux ans… ou du moins en partie ! Je revois les minis Puffin répéter divers mots de vocabulaire jusqu’à ce que bonne prononciation s’en suive, en français à la maison et en islandais à l’école ; je nous revois, M. Puffin et moi, tenter de comprendre puis de reproduire les mots ou expressions – dommage que nous n’ayons pas été filmés : fous-rires garantis ! – patiemment répétés par nos voisins, collègues ou amis ici. Ces derniers le disent fort bien d’ailleurs : dans notre apprentissage de l’islandais, nous sommes comme des enfants qui découvrent le langage… alors forcément, « Supercalifragilisticexpialidocious », ça nous parle !
Les langues et leur apprentissage, c’est toujours un vaste débat : qui trouve que l’anglais est plus facile que l’espagnol et inversement, ou bien encore préfère l’italien ou l’allemand… et c’est parti pour des heures d’argumentation aussi vaines et insolubles que de tenter de convaincre un adepte du rouge et jaune que le rose est de loin la plus belle couleur de l’arc-en-ciel, ou bien de vouloir faire avaler un menu Big-Mac à un fan de Burger King ! Mais si il y a bien une chose sur laquelle tous ceux que nous avons croisé s’accordent, et ce quelle que soit leur nationalité, c’est que l’islandais, faut s’accrocher, c’est le moins que l’on puisse dire ! Hormis les norvégiens ou danois dont la langue est issue de la même racine viking ancestrale, apprendre l’islandais est un vrai chemin de croix pour tout pèlerin qui s’y attèle. Les germanophones sont, semble-il, les mieux lotis… mais nous, pauvres gaulois, on y perd notre latin !
Bref, l’espace de quelques minutes, je rejoues le film de nos progrès en langue viking dans ma tête. Je nous revois il y a bientôt deux ans maintenant débarquant en terre presque inconnue, à la recherche de nouveaux repères dans tous les domaines sans pouvoir trouver simplement les réponses à nos questions faute de parler, comprendre ni même lire les informations dans notre nouvel environnement. C’est donc dans la peau de nouveaux illettrés que nous nous sommes installés ici. C’est assez perturbant : parfois, il n’y a pas qu’en pleine nature que c’est le parcours du combattant ! Heureusement, les Islandais sont dans leur grande majorité bienveillants… d’ailleurs, ils switchent à l’anglais automatiquement dès qu’ils comprennent qu’ils s’adressent à un étranger. Imaginez-vous remplir un bail, une demande de numéro de sécurité sociale – oui, le fameux kennitala -, ou une inscription à l’école dans une langue dont vos oreilles ne reconnaissent pas plus les sons que vos yeux n’arrivent à en déchiffrer les lettres… oui, nous sommes partis de loin, même si nos efforts commence à porter leurs fruits aujourd’hui.
Oh, pour nous adultes, le chemin est encore long devant nous avant de pouvoir converser « normalement » en islandais ! Mais pouvoir écouter et comprendre le sens général de plus en plus de conversations – surtout si nos interlocuteurs parlent lentement, ce qui n’est pas gagné car Français et Islandais ont ici un point commun : tous les deux parlent vite, trop vite ! – ou pouvoir lire les panneaux, e-mails ou autres prospectus que nous recevons – j’ai bien dit lire… après il faut encore en déchiffrer le sens ! -, c’est déjà une belle victoire ! Je revois nos soirées plongés dans des livres pour enfant à bégayer avec le pasteur du village et sa femme qui voulaient mieux apprendre le français ou encore mes après-midi au contact des enfants de l’école à apprendre mot par mot le vocabulaire essentiel pour communiquer – qui a dit que « dragon », « roi », « chateau », « princesse » ou même « bonhomme de neige » ne faisaient pas partie des indispensables d’une langue ?!? – … sans parler de nos discussions avec nos collègues respectifs et voisins, sources de nombreux apprentissages ! Et puis il y a eu les cours de langue de M. Puffin, un pas de bottes de sept lieux sur ce long chemin bien entendu !
Pour les minis-Puffins par contre, ce n’est pas la même histoire : ils sont aujourd’hui en bonne voie de devenir bilingues ! Il faut dire que Melle Puffin qui est rentrée au jardin d’enfant au même âge que les petits islandais – ou presque – apprend finalement les 2 langues en parallèle et passe de l’une à l’autre indifféremment avec son vocabulaire d’enfant de 3 ans en fonction de son interlocuteur… Puffin junior est lui arrivé pour son entrée au CP, qui est l’année du début de l’école en Islande. Il a donc commencé sa scolarité ici au même âge que ses copains et apprend à lire et à écrire les deux langues en parallele comme un poisson dans l’eau ! Et puis les maitresses ont été formidables pour lui apprendre l’islandais… leur implication a été essentielle dans cette mise à niveau, nous ne les remercierons jamais assez ! Ce mélange donne parfois naissance à de nouvelles expressions comme « moi même », traduction littérale de l’islandais « ég líka » que les minis Puffins utilisent par réflexe pour dire « moi aussi » malgré nos corrections répétées… et c’est certainement pareil à l’école ! C’est même tellement devenu naturel pour eux qu’on les surprend souvent à jouer tous les 3 en islandais à la maison… ne jamais négliger la part de l’apprentissage par le jeu avec leurs copains !! Mais attention, ils ne partagent leur précieux savoir qu’au compte-goutte : c’est leur jardin secret et ils sont ravis d’avoir cet espace de liberté qu’ils ne sont – pour le moment – pas prêts à partager avec nous. Il ne nous reste plus du coup que les sueurs froides en imaginant ce qu’ils peuvent bien raconter lorsqu’ils discutent avec des Islandais… c’est l’jeu, ma pauv’ Lucette ! Bon, nous avons tout de même réussi à établir une passerelle en jouant à « Comment on dit en islandais … ? » Et ça leur plait tellement que les deux plus petits Puffins ont adapté le jeu au jardin d’enfant pour leurs « maîtresse » en « Comment on dit en français … ? » Fous-rires réguliers pour tout le monde et progrès multipliés pour les oisillons… je vous ai déjà dit qu’on apprenait mieux par le jeu ?!?
Mary Poppins est sûrement d’accord avec nous, l’islandais est une langue difficile. Dans ses cours, M. Puffin a rencontré d’autres allochtones qui refaisaient chaque niveau deux fois pour réussir à assimiler les notions. Un collègue Hollandais de M. Puffin qui est venu s’installer ici parce qu’il est tombé amoureux d’une islandaise – qu’il a d’ailleurs épousé depuis – lui a bien dit qu’il a mit deux ans en ne parlant qu’exclusivement islandais avec sa femme pour comprendre les Islandais parler entre-eux. Dans notre cas, notre entourage estime que cela nous prendra environ 5 ans… il en reste du chemin à parcourir ! C’est tellement vrai que nous avons croisé beaucoup d’étrangers qui préféraient se débrouiller en anglais plutôt que de l’apprendre. Du coup, les Islandais – qui sont fiers de leur culture – apprécient énormément que ceux qui s’installent ici fassent l’effort de s’y frotter. Ils sont super compréhensifs et aident avec plaisir ceux qui décident de la pratiquer ! De toutes façons, pour notre part, nous n’avons jamais envisagé d’ignorer la langue de notre pays d’accueil et quel que soit le temps que cela prendra, un jour nous aussi on dira : « Ég tala fljótandi Íslensku » !
Bref, les minis Puffins avaient choisi de regarder Mary Poppins l’autre jour… et je n’avais encore jamais compris la chanson « Supercalifragilisticexpialidocious » de cette manière… !
N.B. : Pour « La bouée de sauvetage » pour Français en islandais, c’est par ici !
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MAIS…….. la vie est un éternel recommencement !!
Vos enfants vivent ce qu’ont vécu NOS enfants en arrivant en France !! Je n’avais pas réalisé cela !
C’est trop beau ! (Tu as employé les mêmes mots pour décrire l’apprentissage de la langue islandaise de tes enfants que les mots que j’ai employé quand les filles sont arrivées de Corée )
Pour vous, c’est autre chose … bon courage !! Vous vivez l’expérience de tous les migrants et je pense aussi qu’apprendre la langue est la meilleure façon de s’intégrer. « Aime tout d’un pays et le pays t’aimera »
Grosses bises françaises.
Merci Odile ! Ton commentaire m’a beaucoup touchée… Qui aurait pu imaginer ?? Et c’est clair qu’entre le coréen et le français, y’a assez peu de connexions également !
Mais c’est une belle aventure qui ouvre plein de nouvelles perspectives… et je te pique ton adage, il me plait trop, je suis totalement d’accord avec !
Gros bisous islandais.
Vous avez bien du courage de vous être installés dans un pays avec une langue aussi difficile et tout démarrer de zéro. J’ai même eu eu mal à lire les titres des livres pour enfant… J’imagine qu’apprendre l’islandais doit demander beaucouuuuup de travail ! Et le fait que les gens parlent en anglais n’aide pas du tout à l’apprentissage, c’est au contraire un grand frein.
En revanche il est vrai que pour des enfants, apprendre une langue est très facile. D’une part ce sont de vraies éponges avec une capacité d’apprentissage en pleine ébullition, d’autre part ils vont à l’école et n’ont pas d’autre choix que de parler la langue du pays. Après ce qui est rigolo, c’est quand les enfants se mettent à parler leur langue maternelle avec un petit accent du pays où ils vivent. Vos enfants n’ont-ils pas un léger accent islandais quand ils parlent français ?
Au passage, ils sont trop mignons quand ils chantent… 🙂
Merci beaucoup 🙂
Pour le moment, pas d’accent islandais en français… quoique quelques intonations font leur apparition parfois sans prévenir 😉 Par contre, ils utilisent couramment des mots islandais dans leurs phrases françaises ou traduisent littéralement des expressions toutes faites qui ne veulent plus dire grand chose ainsi transposées 😀
Ils deviennent de vrais petits islandais… 🙂
C’est toujours enrichissant le mélange des cultures 😉
J’ai plein de choses à rajouter tellement le sujet de l’islandais est passionnant !
Déjà pour nous c’était impensable de s’intégrer dans le pays sans parler la langue. Lors de notre arrivée j’avais fait des petits boulots à Reykjavik, j’avais travaillé pour une anglaise qui était là depuis 10 ans et à la question de savoir comment c’était passé l’apprentissage de l’islandais je fut assez surpris de sa réponse : « je ne parle pas islandais car de toute façon ils comprennent très bien l’anglais »… Et puis après il y a la phase de démotivation comme a connu par exemple un irlandais que nous connaissons et qui est en couple avec une islandaise : « ça fait plusieurs mois que j’essaie et j’y arrive pas, j’abandonne de parler islandais un jour ». Il faudra que je lui en reparle mais je suis sûr qu’aujourd’hui il parle très bien !
Et puis il y a les quiproquo avec Puffin Junior: « Hætta ça veut dire chaud », « non hætta ça veut dire attention danger/risque »… bon ben finalement on avait tous les 2 raison, ça peut dire tout ça!
Autre pays, autre mode de vie, autre langage.
Tout grand changement, tout départ pour une nouvelle vie que ce soit par choix, par nécessité ou par obligation, qu’on le nomme expatriation, émigration ou adoption, exige un effort d’intégration dont l’apprentissage de la langue semble incontournable.
La communication verbale reste au cœur des relations humaines et au travers des expressions et des intonations, on perçoit mieux la nature des habitants du pays.
Néanmoins, cela reste un gros effort pour vous d’autant plus que l’islandais est une langue dont la complexité est bien visible.
Nous vous tirons notre chapeau pour les progrès que vous faites.
Pour les Petits Puffins qui ne connaissent pas l’anglais, l’immersion à l’école ne leur a pas laissé d’autre choix que de s’y mettre ce qu’ils ont fait à une vitesse impressionnante !!!
A propos d’accent, nous avons été amusés d’entendre Puffin Junior parler de foot et citer des joueurs internationaux en prononçant leur nom à l’islandaise.
Quant au petit film de la chanson, il est super !
Bravo !!!
Haha, j’adore l’exemple des joueurs de foot… c’est vrai que j’aurais pu aussi parler dans l’article de tous ces mots qu’ils prononcent à l’islandaise car ils les ont appris à l’école – noms de personnes, de films, etc. -. On est toujours surpris la première fois et on ne sait jamais si on doit leur donner la prononciation « francisée » ou non 😀
Par contre eux n’hésitent pas à nous reprendre sur notre prononciation islandaise évidemment… et ce sera probablement toujours le cas ! 😉
Je suis sûre que ça vous prendra moins de 5 ans, surtout que vos enfants vont vous aider énormément ! On en reparle dans quelques temps 😉
Croisons les doigts… faut dire qu’on est un chouïa impatients quand même 😀